Les joies du quotidien

 

À la manière de Philippe Delerm

choisissez quatre petits bonheurs dans votre vie

et développez-les dans quatre petits textes

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Image de Freepik

 

 

Les 4 petits bonheurs de Marie-Christine

 

Au milieu de la nuit, après les premières heures réparatrices, il m’arrive souvent de m’éveiller un instant. J’avais à peine dix que déjà je goûtais avec volupté ce temps de douceur nocturne, de silence tout à moi. Je me laisse voguer ver le plaisir de l’endormissement qui revient m’envelopper pour une seconde part de nuit, peuplée de rêves. Et je suis étonnée et presque déçue lorsque, ayant dormi d’une traite, j’ai manqué ce rendez-vous.

 

Un soir, le parfum du jasmin est là. J’ai veillé à bien orienter ses tiges, à l’arroser, une année durant.

J’ai observé semaine après semaine l’apparition de ses nouvelles minuscules lianes, noté le renflement des ses bourgeons rougeoyants, qui laissaient deviner la blancheur des pétales. Et un soir, dans la tiédeur revenue du printemps, le parfum capiteux des fleurs me récompense d’une bouffée de joie.

 

Le printemps encore, qui nous offre au bord des chemins les asperges sauvages. On sait bien qu’elles vont apparaître. Mais quand ? On passe et repasse le long des haies, à l’orée des bois, et soudain en voilà une. Quelle joie enfantine de traquer chaque pousse, à proximité des tiges d’asparagus, de les débusquer malgré leur habileté à se fondre dans le décor ! Avant de laisser leur goût s’épanouir le soir même dans une petite omelette.

 

Un sachet d’infusion menthe réglisse. Une boule de glace à la réglisse. Le monde en est transformé. S’il est besoin pour vivre d’une bonne raison, la réglisse y suffit. Les cubes de pâte à la réglisse aussi… Je vous prie de m’excuser, je vous laisse, j’ai quelque douceur à aller quérir...

 

 

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Les 4 petits bonheurs de Christian

 

Assis sur une branche, je cueille une figue bien mûre  à la  robe violette entrouverte, lumineuse, elle  dévoile sa  chair d’un rouge vif. Elle se  laisse déshabiller avec délicatesse pour le plus grand bonheur de mes papilles toutes excitées. Mon regard est attiré par sa voisine qui laisse sortir des fragments de chair de sa robe déchirée par des rayons de soleil fougueux. Suspendue dans le vide, elle va  s’esclaffer comme une figue sur le sol rocailleux. Alors je ne résiste pas à lui sauver la vie. Elle a échappé à son triste sort, comblée de finir dévorée avec gourmandise.

Repu, je m'installe confortablement la tête à l'ombre du figuier pour méditer une phrase écrite par Christian BOBIN à la fin de sa vie.  « Je saute à pieds joints dans toutes les flaques de découragement qui sont devant moi, et je les change en étincelles ». J’entends la brise qui me murmure au creux de l’oreille les paroles de ce poète au talent incroyable. Cela me suscite l’envie de rester là, au calme pour dévorer son livre qui me conduit à côtoyer les étoiles.

Le passage de l’ombre à la lumière du soleil chaleureux m’invite à m’orienter de l’autre côté du figuier. J’en profite pour convertir un petit bonheur en un grand, par la dégustation d’une petite gorgée de bière qui rafraichit avec volupté l’intérieur de mon corps. Un petit plongeon dans l’eau tempérée me rapprochera d’une harmonie  bienfaisante de tout mon être. Un petit bonheur se satisfait de la solitude mais aime bien aussi la compagnie des grands. Il a tellement besoin de transformer de petits instants du temps qui passe en moments savoureux. Il ne me reste plus qu’à  patienter avant l’arrivée du prochain.

Après avoir attendu que la cohorte des touristes ait rejoint le bruit et la fureur de la cité, je marche  le long de la plage, les pieds dans l’eau. Ma tête envahie par le roulis régulier des vagues, apprécie d’être rafraichie par une légère brise marine. Le soleil commence sa descente avant de se fondre dans les nuages colorés. Cela  fait  ressortir un contraste mystérieux avec la montagne éclairée par une luminosité évanescente. Je m’installe alors, face à la mer, pour contempler le soleil couchant qui donne l’ordre aux vagues de ralentir le rythme pour obtenir un  sommeil paisible au fin fond  de l’horizon.

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Les 4 petits bonheurs de Christine

 

En parlant de "Petit Bonheur «, mentionnant les choses simples de la vie : nourrir la faune sauvage, les mésanges le jour, les hérissons à la nuit tombée, les observer manger avec tant d'avidité, puis la surprise, la joie,  de voir de la descendance.

 

Se joindre régulièrement à des groupes de lecture, d'écriture, discuter de thèmes enrichissants avec  des gens agréables, cela nous rempli de positivisme pour la journée, se remettre en question...

 

Il y a aussi le rêve, s'évader soit dans des plans futurs de découvertes ou dans le passé : revivre certains moments d'exception avec des personnes chères, qui ne sont plus de ce monde. Spécialement nos parents.

 

Ranger sa bibliothèque, où l'on redécouvre ses livres préférés. Retirant temporairement  les fleurs séchées et les marque pages stylisés, afin de relire des phrases poétiques. D'autres dont on a admiré le chemin de vie exceptionnel des auteurs,  en tant que femme,  pour leur époque, par exemple Isabelle Eberhardt, où elle décrit les dunes du Sahara à différentes saisons et heures de la journée. Relire des livres qui avec l'âge et l’expérience, nous paraissent plus compréhensibles.  Pouvoir encore garder cette envie de découvrir et de rêver.

 

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Les 4 petits bonheurs de Gill

 

La bouillie au chocolat

Quand il faisait bien froid dehors, les jours de bouillie au chocolat représentaient des moments de merveilleuse complicité entre mes sœurs et moi. « On fait de la bouillie ! » disait l’une. La deuxième sortait les ustensiles et les ingrédients : casserole, lait, maïzena et banania. Et moi, la petite dernière, je regardais mes ainées s’activer, enregistrant chacun de leurs gestes. L’odeur du chocolat chaud qui s’épaississait dans la casserole me donnait l’eau à la bouche. Quel supplice alors d’attendre que le breuvage fumant dans les bols refroidisse suffisamment pour que toutes les trois, unies dans ce moment de douceur, nous puissions le déguster.

 

Week-end !

Ouf, c’est le week-end ! ce petit moment, juste avant le repos, où l’on se dit qu’on va vivre deux jours de liberté, sans horaire, sans sonnerie stridente pour couper le sommeil, avec la perspective d’une grasse matinée tant attendue. Ce petit moment de bonheur qui dure si peu, c’est comme une parenthèse bienfaisante dans une vie réglée par une multitude d’obligations, car une fois commencé, ce week-end est déjà presque fini, et ce petit bonheur fugace, enfui.

 

Départ pour la campagne

Étant enfant, le départ pour la campagne, pendant les vacances d’été, était toujours un intense moment de bonheur. L’idée d’être réunis, parents et enfants, sans contrainte, dans un autre lieu que l’appartement de la vie quotidienne, dans un espace rempli de verdure, d’animaux de la ferme inconnus de la petite citadine que j’étais, me paraissait tout à fait merveilleuse. Je l’attendais toute l’année avec ses promenades pendant lesquelles nous rythmions chaque pas en chantant, ses soirées de jeux ponctuées de rires et cette disponibilité de chacun qu’aucune obligation ne venait entraver.

 

Un museau si doux

Tout mon être se souvient de la douceur de son museau, quand il était allongé sur le tapis, parfaitement détendu, moi à genoux à côté de lui, caressant cet endroit duveteux, y frottant ma joue, en imprégnant mes lèvres. C’était un intense moment de bonheur physique, une sensation unique qui reste ancrée dans ma mémoire. En y pensant maintenant, je suis capable de la ressentir, identique, au delà des années.

 

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Les 4 petits bonheurs de Suzanna

 

Mon bonjour à l’arbre

Le matin, je salue le platane de l’autre côté de la rue.  Il me répond en m’intégrant dans le cœur infiniment aimant et cependant inexorable de la Nature. Il me dit de suivre le vol les oiseaux qui frôlent son feuillage, d’écouter leur chant et de sentir le vent qui fait se balancer ses branches. Il m’attire dans son calme souverain, son acceptation de sa place en ce monde, lui qui peut-être rêve à l’air pur des forêts et qu’irritent jour et nuit les émanations des pots d’échappement.

 

Ma promenade au parc

Une « boîte à bouquins » est plantée près de mon banc favori. Il arrive que l’un ou l’autre livre semble avoir été mis là exprès pour moi, semblant m’attendre et j’espère que ceux que je dépose apporteront eux aussi quelque chose de précieux à quelqu’un.

Sur le banc, je feuillette ma ou mes trouvailles du jour, j’en remets certains dans la boîte, j’en garde d’autres.  Quelquefois je m’abandonne à la lecture, quelquefois, j’ai une idée pour un exercice d’écriture ou une nouvelle. Non loin de moi, des enfants jouent...

 

Un peu de musique

Classique, jazz ou chansons, je pars à la recherche de mes morceaux de musique préférés, mes compositeurs favoris, les interprètes qui m’émeuvent,  Je sollicite le souvenir d’un concert ou d’une soirée dansante, ou celui de vacances, d’une rencontre, ou bien du fond sonore d’une activité qui me plaisait. Ou je me laisse simplement aller dans le moment présent que la musique illumine.  Elle répondra toujours à mon attente, à mon besoin et cette certitude m’enchante.

 

Un petit coup d’écriture

Il y a de tout dans ce petit bonheur là : l’étude des auteurs, comment font-ils ?  La piste des figures de style.  L’essai de rédaction d’une nouvelle qui même si elle n’aboutit pas, me propulse parfois dans la recherche de l’environnement où elle se déroule, et, donc de découvertes étonnantes… La création de personnages… Et des idées tout à coup surgissent alors que l’on croyait avoir abandonné un projet.

Suzanna

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