Et si la lettre ne s'était pas perdue?...

 

Vous (ou votre personnage) recevez une lettre qui s’est perdue

elle a 20 ans de retard quand vous la lisez

 

Si vous l’aviez lue à la bonne date

aurait-elle changé le cours de votre vie ?

 

Racontez

 

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Image de Freepik

 

 

LETTRE  FANÉE

 

              Quel long voyage cette lettre a-t-elle dû parcourir avant de rejoindre mes doigts tremblants ! L'écriture en effet ainsi que son auteur ravivent en moi des souvenirs fort lointains... Délicatement pliée dans son enveloppe quelque peu flétrie, une belle feuille sépia sur laquelle courent et se poursuivent non pas une lettre mais des lettres, de nombreuses lettres... Des mots tous plus éloquents les uns que les autres... Des phrases ponctuées d'interrogations et de souhaits latents !

              Pourquoi donc cette missive me parvient-elle aujourd'hui ? Énigme que rien ne saura élucider... Et puis, qu'importe ? Elle me donne néanmoins l'opportunité de me retourner vers le chemin de ma vie passée, temps si infini, si étiré jusqu'à ce jour. Et à l'imagination de me colorer la mémoire de maintes pensées aussi douces que riches mais cependant emplies de   questionnements... C'est en effet une tout autre existence que me laissaient miroiter ces mots dansant sur le papier.  Oui, j'aurais très certainement accepté le message implicite de ce billet ! Oui, bien sûr, cette  lettre aurait fait bifurquer la rivière de mes jours...

            Toutefois puis-je pour autant savoir quelle voie aurait été la plus fidèle à mes valeurs, à mes aspirations ou à ce qu'elles sont devenues ?  Vers quel port m'aurait-elle entraînée ? Le fil du temps est   bien ingrat : il altère, il bouleverse souvent, il sépare également les êtres de leur vocation... Serait-il vraiment possible de retourner à un passé si distant et de concevoir qu'un autre chemin   de vie eut été meilleur ?

             Destin ou destinée ?    

             Rêves et réalités ???

 

       Syrinx

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Un drame paysan évité

 

Si j'avais reçu la lettre d'un type qui me voulait du bien, qui m'annonçait que ma Justine me trompait avec le garde-champêtre qui fait le malin parce qu'il se balade avec un grand sabre, j'aurais sans doute vu rouge. Mais cette lettre que je viens de recevoir date de 1891, il y a juste 20 ans. J'étais jeune à l'époque et j'avais la tête près du bonnet. Son sabre, je lui aurais peut-être passé à travers le corps et  maintenant je serais en Guyane à me faire bouffer par les moustiques et tabasser par les Argousins.

La garce (paix à son âme) elle me disait qu'elle allait voir sa mère qui habitait à Trissac-les-Ormes. Tu parles, elle devait aller chez le garde qui justement habite là.

 Il va falloir que je remercie ce fainéant de Tabochon, le facteur qui est soul à partir de 10 heures du matin et qui ne s'arrête pas de perdre du courrier. C'est un voisin qui a retrouvé la lettre dans sa cave. Le Tabochon avait dû  confondre la boîte aux lettres et le soupirail.  Grâce a lui, à  la mort de ma pauvre Justine dont je suis débarrassé, maintenant on a évité un drame et j'ai pu épouser la Madelon qui est belle comme une jeune génisse. Quand je le verrai, il aura droit à un canon.

Jean

 

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Un destin

 

Il y a trois jours, il m’est arrivé une histoire insensée. Ce matin-là, je trouve dans ma boîte aux lettres un courrier dont un des cachets date de juin 2001, donc d’il y a 20 ans, à l’époque où j’avais moi-même 20 ans.

La lettre s’est visiblement perdue et a voyagé tout autour du monde, à en croire les divers cachets dont elle est tamponnée. Que lui est-il arrivé, et pourquoi ? impossible à savoir. Je l’examine d’abord, enveloppe blanche à fenêtre, libellée à l’adresse qui était la mienne à cette époque, barrée pour faire place à mon adresse actuelle. Écriture dactylographiée. Elle ressemble à un courrier administratif.  Comme je l’ai vu d’emblée, des cachets de différents pays attestant de son long voyage.

Avant de l’ouvrir, je repense à cette époque où j’aurais dû la recevoir. Je faisais des études de commerce international et j’avais demandé un stage dans une entreprise aux États-Unis. La direction devait me contacter, mais je n’avais jamais eu aucunes nouvelles de ce stage. J’étais donc partie au Japon, où une demande ultérieure à Tokyo avait reçu une réponse favorable.

Laissant là mes réflexions, j’ouvre l’enveloppe et sort le courrier. Il est à l’en-tête du grand groupe international basé aux États-Unis, et rédigé en anglais. Je lis, butant parfois sur les mots, mais en voici l’essentiel :

« Madame, nous avons le plaisir de vous informer que votre demande de stage dans notre entreprise a reçu un avis favorable…..Veuillez accuser réception de ce courrier…..Sans réponse de votre part sous 8 jours, votre candidature sera automatiquement résiliée et ce stage proposé à un autre postulant….En cas d’acceptation de votre part, votre premier rendez-vous avec notre responsable de site est fixé le 11 septembre 2001 à 8h 30 dans nos bureaux au Word Trade Center….Veuillez agréer…etc. »

Je reste immobile, comme « sonnée », mon cerveau ayant des difficultés à enregistrer ce que je lis. Je m’imagine, moi, au milieu des images de l’époque passées en boucle sur toutes les chaînes de télévision. Je suis là, assise dans mon salon, et je pourrais ne plus y être, il a suffi d’un grain de sable dans le rouage de la distribution du courrier. Comment peut-on l’appeler ? destin ? hasard ? coïncidence ? chance ? Ce que je sais, à cette minute, quelque soit le nom que l’on donne à ce moment où l’existence se poursuit dans une direction plutôt qu’une autre, c’est qu’il faut en savourer chaque instant.

Quand mon mari et mes enfants sont rentrés, ce soir-là, je les ai tellement serrés dans mes bras qu’ils m’ont demandé, avec un regard vaguement inquiet, si tout allait bien.

Gill

 

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- Crime ou suicide ?

- Ah vous êtes-là, Commissaire ?   L’inspecteur se releva. Il venait de faire les premières constatations. 

- Coup de poignard en plein cœur.  On en saura plus après autopsie, mais de prime abord, il s’agit bien d’un crime.

- Chef, Chef, on a trouvé cette lettre dans la boîte aux lettres !

Le jeune agent Adrien Cilf tendit une enveloppe à l’Inspecteur.  Et voyez, Chef, d’après le nombre de cachets sur l’enveloppe, on dirait bien que ce courrier a suivi votre client depuis pas mal d’années…

- C’est bien, mon petit, vous avez l’œil. En tout cas, si c’est le visiteur ou la visiteuse qui a fait le coup, ils se seront payé du bon temps avant. Et le commissaire pointait du doigt deux verres, une bouteille de champagne et quelques toasts sur un plateau. Du vrai caviar, dit-il en mordant dans l’un d’eux…

- Une visiteuse : il y a du rouge à lèvres au bord de ce verre, constatait l’Inspecteur, tout en décachetant l’enveloppe avec précaution.  Il déplia la lettre qu’elle contenait et lu.

- Tiens, tiens, dit-il en tendant la lettre au commissaire qui mettait ses lunettes. Je crois qu’on tient déjà notre coupable, après quelques investigations tout du moins. Pour une fois, les aléas de la poste nous ont peut-être bien mâché la besogne, si ça se trouve.

 

Mon vieux Franz,

J’espère que tout se passe bien pour toi à Nairobi.  Ici tout roule.

Cette lettre pour te dire de te méfier d’Yvette si jamais vos routes se croisent à nouveau. Après ton pot de départ qui s’est terminé comme tu sais (honte sur nous quand même), elle n’a plus jamais été la même. Elle aurait pu porter plainte, mais ça n’aurait rien arrangé pour elle. Du moins c’est ce qu’elle dit. Elle n’a aucune preuve en fait. C’est sa parole contre la nôtre. Alors elle a juré de se venger, je l’ai su par Nicole à laquelle elle raconte tout.  Elle y mettra, paraît-il, le temps qu’il faudra mais elle finira par avoir ta peau.  Il est vrai que si elle ne s’était pas crue ta fiancée, elle ne serait pas restée avec Jean Pierre et nous deux, quand tous les autres étaient partis...

Alors fais gaffe mon vieux, on ne sait jamais. Un homme prévenu...

Ton vieux copain

Alain

 

Suzanna

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